Le presbytère
ÉTAT DES LIEUX EN L’AN IV
Le bourg d’Issac a conservé un bon nombre de témoignages du passé allant du « travail » du maréchal-ferrant aux demeures nobles ou Bourgeoises telles que la Mothe, la Maison Chastanet et I’ensemble des bâtiments dans te prolongement de la maison à la tour, ancien greffe de la juridiction de Montréal, et celui qui m’intéresse ici, l’ancien presbytère qu’occupe aujourd’hui le bureau de poste.
La poste a beaucoup voyagé. Elle fut un temps installée dans la maison de la Mothe, puis dans un autre bâtiment-qui avait été auparavant l’école (sur la route qui conduit à sourzac) et la voici maintenant dans ce qui était le presbytère.
Revenons au temps où le bâtiment était encore presbytère.
A la Révolution I’Etat à court d’argent nationalise et met en vente les biens du clergé. Après inventaire, les biens saisis sont vendus au plus offrant. Le 4 prairial an IV de la République (23 mai 1796),1e notaire pontard, de Mussidan vient dresser un état des lieux du presbytère d’Issac. Il est accompagné du citoyen Piotay qui se propose de I’acheter, et d’un expert. Le document produit à cette occasion nous donne un bon aperçu de sa situation et de son agencement.
Curieusement, le texte décrit deux édifices séparés. L’un est qualifié de ci-devant (ex) presbytère, l’autre de maison obituaire où habitait le curé constitutionnel. Le prêtre d’Issac n’habitait donc pas la maison qui lui était destinée.
Le ci-devant presbytère:
Il est décrit comme une modeste demeure au sol de terre battue, composée de deux pièces sur une cave et un bûcher ayant pour avenue un petit chemin donnant sur celui qui va au moulin et qui le sépare de la maison obituaire dont jouissaient les curés d’Issac.
Un four et un appentis sont mentionnés à I’ouest. Le tout est en bien mauvais état. Un jardin l’entoure sur trois côtés levant, midi et nord.
Ce presbytère est abandonné. II est évident qu’il ne s’agit pas de l’édifice sujet de cette étude.
La maison obituaire:
Le curé ne vit donc pas dans le presbytère, mais dans une résidence proche. Il est probable qu’un riche donateur, face à la médiocrité de la demeure curiale, lui ait donné la jouissance d’une maison à I’aspect plus respectable,en échange de messes à dire après sa mort et ce, chaque année sans doute à perpétuité. C’est ce que suggère le terme «obituaire» employé par le notaire pour désigner cette résidence. Il faudrait se plonger dans la lecture des minutes des notaires d’Issac pour retrouver I’acte ou le testament à l’origine de ce don. Un lecteur de cet article sera-t-il tenté de le faire ? encourager! Je ne peux que l’y encourager!
Situation
L’implantation au sol de la maison actuelle et des bâtiments agricoles qui lui sont accolés, correspond au plan du cadastre relevé vers 1830. Le notaire désigne « les confronts », c’est-à-dire ce qui borde la propriété: au nord, le chemin public d’Issac à Beauregard; à l’ouest, la propriété du citoyen Teyssandier-Lasserve; au sud une chenevière et le pré du moulin. Une chenevière est une plantation de chanvre destiné à la confection de ce qu’on appelle alors, « tissu de maison ». Ces plantations sont nombreuses et expliquent Ie nombre important de tisserands qu’on trouve dans presque chaque village ou hameau. On tisse aussi la laine, mais les troupeaux d’ovins sont peu importants.
En comparant le document de1796, et le cadastre de 1830 on peut suggérer les emplacements suivants:
- 3 : pigeonnier
- 6 : ancien presbytère
- 8 : maison obituaire
Le nouveau presbytère
L’implantation au sol n’a pas changé, mais les murs portent la trace de nombreux remaniements. Profitons-en pour nous féliciter de la restauration extérieure, restauration discrète qui ne masque pas l’histoire de la maison. Ces cicatrices laissées apparentes nous permettent de faire quelques suggestions quant à l’évolution de l’édifice. A I’intérieur, par contre, à l’exception d’un mur, tout a été recouvert et plus rien n’est lisible. Le volume des pièces, des larges couloirs et vastes corridors, semble n’avoir pas changé. 11 est visible qu’il s’agit de la réunion de deux bâtiments. N’étant ni architecte ni historienne de I’art je ne me lancerai pas dans la datation des bâtiments. ]e me contente de les observer et de les comparer à la description faite en I’an IV.
Suivons 1e notaire. 11 ne donne que peu de détails. Il mesure les pièces en «pieds de France ». Il ne pouvait plus utiliser le terme de « pied de France », employé sous l’Ancien régime. Le pied, de roi ou de France, mesure 32,5 cm. Outre les mesures, le notaire ne mentionne que les cheminées.
Ils entrent dans la cour, elle est fermée d’un muret en moellons avec une porte simple et une porte cochère en pierre. Les voici dans la maison dans un large corridor (8 pieds de large = 2,60 m); à gauche le salon avec une cheminée, à droite, une cave.
Ils pénètrent ensuite dans la deuxième partie. Le vestibule est encore plus large que le corridor: 14 pieds, soit 4,55 m de largeur, il donne sur le jardin à l’arrière et sur l’escalier dont l’emplacement n’est pas précisé. A droite se trouve la cuisine avec une cheminée comportant trois fourneaux (potagers) et à gauche, une pièce qui ouvre au midi.
A l’étage ils arrivent sur ce qu’ils appellent une galerie sur le derrière, couverte en appentis, (20 sur 18 pieds). La hauteur est de seulement 8 pieds, ce qui s’explique sans doute par le toit en appentis. D’ici on a accès aux latrines, aujourd’hui détruites.
Les pièces à droite et à gauche de cette galerie sont plus hautes (10 pieds). L’une est la chambre du curé. Les deux pièces ont des cheminées. Et ladite galerie communiquant aux deux chambres hautes, sur le devant, au nord.
Maître Pontard signale aussi : un très joli grenier sur les deux dernières chambres qui s’allonge sur chacune des deux petites
chambres de la galerie.
Les bâtiments agricoles
A l’ouest, accolés au mur de la maison se trouve l’écurie, une grange et un hangar; à l’est de la cour, une buanderie convertie en étable à cochoru et un four. Dans un terrain proche, limité au nord par le chemin de Mussidan à Beauregard et au sud par la chaussée du moulin, se dresse un pigeonnier en pierre de taille et moellons de 4,55 m de longueur sur 3,60 m de large. Il ne semble pas très haut, 9 pieds seulement est-il écrit, soit près de 3m.
Prix de vente
Comme on peut le voir, l’ensemble que composent l’ancien et nouveau presbytère est important. Le notaire doit en établir le prix de vente. 11 évalue les revenus générés par I’exploitation agricole et fait quelques observations qui valorisent la propriété.
Dans le cours de nos opérations, il nous a été observé par le citoyen commissaire du pouvoir exécutif que tous ces objets se trouvent placés dans le chef-lieu d’une grande commune trarversée par un chemin public très fréquenté pour le commerce, que de tout temps les bâtiments se sont vendus au plus haut prix; qu’il s’y fait un débit assez considérable de comestibles; que ces terrains se trouvent de la première qualité locale, fertile en production; que le second objet, par sa situation, se trouve une habitation très agréable et fort commode par ses assortiments, ses clôtures et accès d’un chemin journellement fréquenté par les allants et venants d’un lieu à l’autre.
Les trois domaines: presbytère d’origine, maison obituaire, pigeonnier et pré, sont évalués à 8 300 francs. Cette somme est obtenue en multipliant le revenu annuel de l’année 1790 par 18, mais nous sommes en 1796. Le citoyen Piotay fait à son tour
observer qu’on ne doit pas tenir compte des prix d’avant la Révolution, qu’il aime l’agréable, mais qu’il préfère l’utile.Il soulève qu’il existe une servitude dans la cour de la maison avec le citoyen Teyssandier-La Serve pour I’exploitation de sa propriété
voisine. Piotay n’offre donc que 500 francs.
… et surgit l’école !
C’est alors que survient I’instifuteur, le citoyen Ladeymarie. Il habite la maison et y exerce son métier. On apprend ainsi, l’état des lieux n’y a fait aucune allusion, que le presbytère est devenu école! Ladeymarie assure que les maisons et édifices destinés par la loi à un service public ne sont pas compris dans les domaines nationaux à vendre. Leur venue est donc sans objet. Le notaire Pontard reconnait n’avoir pas de compétences à ce sujet. Il va s’adresser à I’administration centrale du département.
Les bâtiments furent-ils vendus? Sans doute non. En l’an IX (1800/1801), l’instituteur est encore installé dans l’ex-maison obituaire et la petite maison (premier presbytère) est louée, mais on propose de la reprendre pour y loger une institutrice.
L’école est donc toujours là.
Trois ans plus tard, en l’an XII (1803/1804), la maison principale est redevenue la résidence du curé. La commune note qu’il faut y faire des réparations urgentes. L’année suivante, la toiture est entièrement refaite.
1823, d’importants travaux
1821, la commune constate le délabrement de l’édifice. Elle fait établir un devis. Il concerne la remise en état de la charpente et le remplacement d’une poutre. Il faut aussi refaire l’escalier et poser un plancher de châtaignier.
Six fenêtres doivent être vitrées et leurs contrevents ferrés à neuf et peints. Les autres fenêtres sont seulement à repeindre. La porte et le portail de la cour sont à refaire, en chêne. Il faut aussi changer la poutre qui supporte le pavillon est. Ce terme de pavillon nous donne une explication à certains détails gue révèle la façade sud.
Le toit en appentis de la galerie centrale du première étage a visiblement été surélevé au cours du XIX » siècle. Le toit présente aujourd’hui une pente extrêmement faible. Cette surélévation a permis l’ouverture de grandes fenêtres. Les petites ouvertures d’origine ont été comblées.
Les deux pièces qui I’encadraient ont perdu leur aspect « pavillon » il n’en reste que les toits. Ces modifications ont considérablement alourdi cette façade qui sans doute ne manquait pas de charme.
Le presbytère est régulièrement entretenu tout au long du XIX » siècle. Mille francs sont empruntés par la commune en 1823 pour des réparations. De nouveaux travaux sont réalisés en 1867 et 1868. Sans doute moins importants, ils sont payés
par le conseil paroissial. Cet entretien régulier a permis à la maison de résister au temps et elle offre toujours à la vue, un bel exemple de l’architecture des XVe et XVIe siècle.
Catherine Paoletti
Sources : AD Dordogne: Q 136; E dep 738